Publié le 15 juin 2024

Une Politique de Placement (IPS) n’est pas un document passif, mais un système algorithmique conçu pour automatiser la discipline et surmonter les biais émotionnels de l’investisseur.

  • Le rééquilibrage systématique n’est pas une corvée, mais un mécanisme programmé pour vendre à la hausse et acheter à la baisse automatiquement.
  • L’architecture fiscale de vos comptes (CELI, REER, non-enregistré) est un levier de performance aussi crucial que votre répartition d’actifs.

Recommandation : La véritable performance à long terme ne naît pas de la prédiction des marchés, mais de la mise en place d’une structure rigoureuse et d’une discipline inébranlable.

Face à un environnement économique marqué par l’inflation résiduelle et une volatilité persistante, l’investisseur autonome se trouve à la croisée des chemins. Les réflexes naturels poussent à l’action : tenter d’anticiper le prochain mouvement de la Banque du Canada, deviner le creux du marché immobilier à Montréal ou réagir aux soubresauts politiques. Cette approche, bien qu’humaine, est souvent la principale source de sous-performance. La sagesse conventionnelle nous invite à définir nos objectifs, à diversifier nos actifs et à penser long terme. Ces conseils sont nécessaires, mais fondamentalement insuffisants pour naviguer la complexité des marchés modernes.

La faiblesse de cette approche est qu’elle repose entièrement sur la discipline faillible de l’investisseur au moment où la pression est maximale. Et si la véritable clé n’était pas de mieux prédire, mais de construire un système de décision qui rend la prédiction superflue ? C’est précisément le rôle d’une Politique d’Investissement Stratégique (IPS) rigoureusement définie. Loin d’être un simple document déclaratif, une IPS efficace est un véritable algorithme personnel, un ensemble de règles préétablies qui dictent les actions à prendre en fonction des conditions de marché, et non des émotions. Elle transforme la gestion de portefeuille d’un art réactif à une science disciplinée.

Cet article n’est pas un catalogue de conseils génériques. Il propose une méthodologie structurée pour bâtir une telle politique, en l’abordant comme une véritable architecture de portefeuille. Nous analyserons comment définir sa structure fondamentale, implémenter des mécanismes de rééquilibrage automatique, et surtout, comment intégrer l’optimisation fiscale canadienne (CELI, REER, non-enregistré) au cœur même de cette stratégie pour en faire un levier de performance et non une contrainte.

Pour vous guider à travers les composantes essentielles de cette forteresse financière, cet article est structuré autour de huit piliers fondamentaux. Chaque section aborde un aspect critique de la construction et de la maintenance d’une politique d’investissement conçue pour la résilience et la performance à long terme.

Croissance ou Revenu : quelle répartition d’actifs correspond vraiment à votre tolérance au risque ?

La pierre angulaire de toute politique d’investissement est la répartition stratégique entre les actifs de croissance (actions) et les actifs de revenu ou de préservation (obligations). Cette décision fondamentale ne doit pas être un choix arbitraire, mais le reflet direct de votre capacité psychologique et financière à endurer la volatilité. Pour un investisseur canadien, l’écosystème des Fonds Négociés en Bourse (FNB) de répartition d’actifs, ou « tout-inclus », offre un cadre de référence exceptionnel pour visualiser cette allocation.

Ces portefeuilles pré-construits, proposés par des géants comme BlackRock, Vanguard et BMO, permettent de matérialiser instantanément un profil de risque. Comme le détaille une analyse comparative des principaux FNB canadiens, l’éventail va des profils prudents aux plus audacieux.

Comparaison des portefeuilles de FNB tout-inclus canadiens
Profil FNB BlackRock FNB Vanguard FNB BMO Répartition Actions/Obligations
Prudent XCNS VCNS ZCON 40/60
Équilibré XBAL VBAL ZBAL 60/40
Croissance XGRO VGRO ZGRO 80/20
Actions XEQT VEQT ZEQT 100/0

Opter pour un FNB comme XGRO (80% actions, 20% obligations) n’est pas seulement un choix de produits, c’est une déclaration formelle d’une haute tolérance à la volatilité pour un potentiel de croissance supérieur. L’avantage structurel de ces outils réside dans leurs frais minimes. En effet, selon une analyse de La Presse, les FNB de croissance affichent des frais de gestion de seulement 0,20% contre 2 à 3% pour des fonds mutuels traditionnels aux objectifs similaires. Cet écart de frais, composé sur des décennies, représente une part significative du rendement final.

Toutefois, une architecture de portefeuille avancée va plus loin. La question n’est pas seulement « quelle répartition ? », mais aussi « dans quel compte ? ». Les actifs à forte croissance sont idéalement placés dans un CELI (Compte d’épargne libre d’impôt) pour que leurs gains futurs soient entièrement non imposables. À l’inverse, les titres américains payant des dividendes sont plus efficients fiscalement dans un REER (Régime enregistré d’épargne-retraite), qui est exempt de la retenue d’impôt de 15% sur les dividendes américains grâce aux conventions fiscales.

Quand et comment rééquilibrer votre portefeuille pour vendre haut et acheter bas automatiquement ?

Le rééquilibrage est sans doute le mécanisme le plus puissant et le moins bien compris d’une politique d’investissement. Il ne s’agit pas d’une simple tâche administrative, mais du moteur de discipline automatisée de votre système. Son rôle est de forcer une prise de profit sur les actifs surperformants et de réinvestir dans les actifs sous-performants, implémentant ainsi de façon systématique l’adage « vendre haut et acheter bas » sans aucune intervention émotionnelle.

Imaginez que votre répartition cible soit de 80% en actions et 20% en obligations. Après une forte hausse des marchés boursiers, votre portefeuille pourrait dériver vers une répartition de 85/15. Le rééquilibrage consiste à vendre 5% de vos actions (qui sont au sommet) pour racheter des obligations (qui ont relativement sous-performé). Vous cristallisez des gains et renforcez la poche défensive de votre portefeuille. Ce processus peut être visualisé comme un système de vases communicants entre vos différents comptes (CELI, REER, non-enregistré), assurant que l’équilibre global est maintenu.

Représentation visuelle du rééquilibrage entre comptes CELI, REER et non-enregistré avec des vases communicants métaphoriques

Il existe deux principales méthodes de rééquilibrage : calendaire (ex: chaque année au 1er janvier) ou par seuil de déviation (ex: dès qu’une classe d’actifs dévie de plus de 5% de sa cible). Une approche hybride est souvent optimale. Au Canada, une technique de rééquilibrage avancée est la récolte de pertes fiscales, applicable uniquement aux comptes non-enregistrés. Elle consiste à vendre délibérément des placements en perte pour compenser des gains en capital réalisés ailleurs, réduisant ainsi l’impôt à payer.

Plan d’action pour votre récolte de pertes fiscales

  1. Identification des positions : Listez tous les titres en situation de perte latente dans votre compte non enregistré à la fin de l’année.
  2. Réalisation de la perte : Vendez le titre pour que la perte en capital soit officiellement enregistrée dans l’année fiscale en cours.
  3. Gestion de la règle de « disposition factice » : Ne rachetez pas le même titre dans les 30 jours (avant ou après la vente) pour que la perte soit déductible.
  4. Substitution temporaire : Pour rester exposé au marché, achetez un FNB similaire mais non identique (ex: vendre un FNB S&P/TSX 60 pour acheter un FNB couvrant l’ensemble du marché canadien).
  5. Application et report : Appliquez la perte contre les gains en capital de l’année. Si la perte est supérieure aux gains, elle peut être reportée sur les 3 années précédentes ou indéfiniment dans le futur.

Pourquoi essayer de prédire les sommets et les creux du marché vous coûte 3 % de rendement par an ?

L’une des plus grandes illusions en investissement est de croire qu’il est possible de « timer » le marché de façon répétée. Les études académiques démontrent que l’échec de cette tentative coûte en moyenne plusieurs points de pourcentage de rendement annuel aux investisseurs. Ce coût ne provient pas seulement des mauvaises décisions, mais aussi de l’inaction : la peur d’investir avant un krach ou l’attente d’un creux parfait qui ne se matérialise jamais. Le rendement comportemental, soit l’écart entre le rendement du marché et celui de l’investisseur moyen, est presque toujours négatif.

L’environnement macro-économique récent au Canada illustre cette futilité. Qui aurait pu prédire avec certitude que l’inflation chuterait aussi rapidement ? Pourtant, en août 2024, il a été confirmé que le taux d’inflation avait atteint 2,0%, soit la cible exacte de la Banque du Canada. Tenter de baser ses décisions d’investissement sur des prédictions d’inflation à court terme aurait été un pari hasardeux. Le marché intègre ces informations quasi instantanément. La seule stratégie gagnante est d’être déjà investi.

Le marché immobilier montréalais offre un exemple encore plus frappant de ce danger. De nombreux acheteurs potentiels ont attendu une correction majeure des prix post-pandémie, une correction qui n’est jamais arrivée sous la forme espérée.

Étude de cas : Le coût d’attente sur le marché des plex à Montréal

En analysant les tendances post-pandémie, on observe que le marché des petits immeubles à revenus (« plex ») n’a cessé de s’apprécier malgré les hausses de taux d’intérêt. Selon les données de 2024, le prix moyen d’un duplex a atteint 778 685 $, celui d’un triplex 891 474 $, et celui d’un quadruplex 995 175 $. Un investisseur qui a attendu « le bon moment » depuis 2021 ou 2022 fait face aujourd’hui à des prix nettement supérieurs et a manqué plusieurs années de revenus locatifs et de remboursement de capital. Cette attente, motivée par la prédiction d’un creux, s’est avérée extrêmement coûteuse.

Le rôle de l’IPS est précisément de vous protéger contre cette tentation. En définissant des règles d’investissement et de rééquilibrage systématiques, vous remplacez l’émotion de la prédiction par la logique du processus. Vous investissez parce que votre plan le dicte, pas parce que vous pensez que le moment est « parfait ».

Investissement responsable : peut-on battre le marché tout en respectant ses valeurs éthiques ?

L’investissement responsable (IR), qui intègre des critères environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG), a longtemps été perçu comme un compromis entre performance et éthique. La question centrale pour l’investisseur stratégique est de savoir si l’intégration de ces filtres constitue un handicap de performance ou, au contraire, un facteur d’identification d’entreprises plus résilientes. L’analyse académique moderne tend à montrer que les critères ESG, lorsqu’ils sont bien appliqués, ne nuisent pas à la performance et peuvent même l’améliorer en réduisant les risques de long terme (risques réglementaires, de réputation, etc.).

La clé est d’aborder l’IR non pas comme une contrainte morale, mais comme une couche d’analyse de risque supplémentaire. Une entreprise avec une mauvaise gouvernance ou une forte exposition aux risques climatiques non gérés est, fondamentalement, un investissement plus risqué. Cependant, il est crucial de ne pas laisser un zèle éthique se transformer en concentration excessive sur un secteur (ex: les énergies propres), ce qui violerait le principe fondamental de diversification.

Dans le contexte macro-économique canadien, la volatilité des politiques monétaires offre une leçon pertinente. Comme le soulignaient les économistes de la Banque Nationale, Matthieu Arseneau et Kule Dahms, à propos de la situation en 2024 :

L’inflation généralisée étant révolue au Canada, nous pensons que la porte est grande ouverte pour que la Banque du Canada ramène le plus rapidement possible son taux directeur vers la neutralité

– Matthieu Arseneau et Kule Dahms, Économistes à la Banque Nationale

Cette prédiction s’est matérialisée. En effet, face à une inflation maîtrisée, la Banque du Canada a procédé à une quatrième baisse depuis juin du taux directeur pour le ramener à 3,75% en octobre 2024. Tout comme il est plus judicieux de construire une politique qui résiste aux cycles de taux plutôt que de les prédire, il est plus sage d’intégrer les critères ESG comme un filtre de qualité durable plutôt que de parier sur le « prochain secteur éthique » à la mode.

Comment transformer votre capital accumulé en rente perpétuelle sans jamais toucher au principal ?

La phase d’accumulation est un marathon, mais la phase de décaissement est une partie d’échecs. L’objectif ultime pour de nombreux investisseurs est de construire un capital dont les seuls rendements (dividendes, intérêts, gains) suffisent à financer leur style de vie, créant de fait une « rente perpétuelle » où le principal est préservé, voire continue de croître. Le concept le plus connu est la « règle des 4 % », qui suggère qu’un retraité peut retirer 4 % de son portefeuille la première année, puis ajuster ce montant à l’inflation chaque année suivante, avec une forte probabilité de ne jamais épuiser son capital sur 30 ans.

Cependant, cette règle est une simplification. Une stratégie de décaissement sophistiquée pour un Canadien doit être une chorégraphie fiscale précise, visant à minimiser l’impôt payé sur chaque dollar retiré. L’ordre dans lequel vous décaisser vos comptes (CELI, REER/FERR, non-enregistré) a un impact monumental sur la longévité de votre portefeuille. La logique est de retirer en priorité les sources les moins imposées, tout en respectant les exigences légales de retrait.

Une stratégie de décaissement fiscalement optimisée au Canada suit généralement une hiérarchie claire, qu’il faut inscrire dans sa politique d’investissement. L’objectif est de lisser le revenu imposable tout au long de la retraite pour éviter de sauter dans des tranches d’imposition supérieures et de subir des récupérations de prestations comme la Sécurité de la vieillesse (SV).

  • Priorité 1 : Maximiser les retraits du CELI. Chaque dollar retiré est complètement libre d’impôt et n’affecte pas votre revenu imposable, préservant ainsi vos crédits et prestations.
  • Priorité 2 : Retirer le minimum obligatoire du FERR. À partir de 72 ans, vous êtes obligé de retirer un pourcentage minimum de votre FERR (le successeur du REER). Ne retirez que ce minimum pour continuer de différer l’impôt sur le reste.
  • Priorité 3 : Utiliser le compte non-enregistré. Privilégiez la réalisation de gains en capital, qui ne sont imposés qu’à 50%, plutôt que de générer des revenus d’intérêts, imposés à 100%.
  • Priorité 4 : Différer le Régime de Rentes du Québec (RRQ) et la SV. Reporter le début de ces prestations (jusqu’à 70 ans pour le RRQ et la SV) augmente leur montant mensuel à vie, offrant une protection indexée contre l’inflation.

Inscrire cette séquence dans votre IPS vous assure de ne pas prendre de décisions sous-optimales sous la pression. C’est la structure qui garantit l’efficience.

L’erreur de laisser vos convictions politiques influencer vos décisions de placement

Le biais politique est l’un des plus insidieux pour un investisseur. Il nous pousse à surpondérer ou à éviter certains pays, secteurs ou entreprises en fonction de nos affinités idéologiques ou de nos prédictions sur l’issue d’une élection. Or, l’histoire financière démontre abondamment que les marchés financiers ont une capacité remarquable à ignorer le bruit politique à long terme et à se concentrer sur les fondamentaux économiques : croissance des bénéfices, innovation et flux de capitaux.

Un investisseur basé à Montréal pourrait, par exemple, être tenté de réduire son exposition au marché canadien en raison d’incertitudes politiques fédérales ou provinciales. Pourtant, les données montrent souvent une déconnexion entre le climat politique perçu et la performance économique réelle. Par exemple, malgré un contexte d’incertitude économique et de taux élevés, les ventes résidentielles dans la RMR de Montréal ont augmenté de 18% en janvier 2024 par rapport à l’année précédente. Cela démontre la résilience des marchés face à des facteurs que les investisseurs ont tendance à surévaluer.

La seule véritable protection contre le risque politique d’un pays donné n’est pas de deviner son avenir, mais de ne pas dépendre de lui. La diversification géographique est l’antidote structurel au biais politique. Une politique d’investissement robuste doit explicitement définir une allocation cible aux différentes régions du monde (Canada, États-Unis, marchés développés internationaux, marchés émergents). Cette allocation ne doit pas changer au gré des manchettes de journaux.

Globe terrestre stylisé avec flux d'investissements internationaux émanant de Montréal vers différents marchés mondiaux

En adoptant une perspective globale, le sort de votre portefeuille ne dépend plus de la sagesse (ou de l’absence de sagesse) d’un seul gouvernement. Vous vous immunisez contre le risque spécifique d’un pays et contre votre propre tendance à surréagir aux événements politiques locaux. Votre IPS agit comme un traité international personnel, vous forçant à maintenir le cap d’une stratégie globale, quelles que soient les tempêtes politiques locales.

Comment calculer votre vrai ROI en incluant l’appréciation et le remboursement de capital ?

En matière d’investissement, et tout particulièrement en immobilier, se fier uniquement au rendement locatif (le « cash-flow ») est une erreur fondamentale qui sous-estime massivement la performance réelle d’un actif. Le véritable retour sur investissement, ou Retour sur Investissement Total (ROI Total), est une mesure holistique qui agrège trois sources de création de richesse distinctes : les flux monétaires, l’appréciation du capital et le remboursement du capital de la dette.

Pour illustrer, prenons l’exemple d’un investissement dans un duplex à Montréal. Selon les statistiques récentes, le prix moyen d’un duplex a atteint 778 685 $. Un calcul simpliste se concentrerait sur les loyers moins les dépenses. Un calcul stratégique, tel que défini dans une IPS, inclurait :

  1. Le rendement locatif net : Les loyers perçus après déduction de toutes les charges (taxes, assurances, entretien, gestion, intérêts hypothécaires). C’est le profit opérationnel.
  2. Le remboursement de capital : La portion de chaque paiement hypothécaire qui réduit le solde du prêt. C’est un gain en équité forcé, payé par les locataires.
  3. L’appréciation du capital : La hausse de la valeur marchande de l’immeuble. C’est souvent la composante la plus significative du ROI à long terme.

L’importance de l’appréciation est clairement visible dans l’évolution récente du marché montréalais. Les données de début 2024 montrent des croissances annuelles significatives, et encore plus spectaculaires depuis la pandémie.

Évolution des prix immobiliers par type de propriété à Montréal
Type de propriété Prix janvier 2024 Croissance annuelle Croissance depuis 2020
Maison unifamiliale 570 220 $ +7,8% +40%
Copropriété 460 000 $ +4% N/D
Plex 830 000 $ +7% N/D

Une politique d’investissement doit exiger le calcul de ce ROI Total pour chaque actif, afin de permettre des comparaisons justes entre différentes classes d’actifs (ex: un plex à Montréal vs un portefeuille d’actions). Ne pas le faire revient à piloter en ne regardant qu’un seul cadran. C’est la différence entre une comptabilité de base et une véritable analyse de performance stratégique.

À retenir

  • Une Politique d’Investissement (IPS) est un système de règles conçu pour automatiser la discipline, et non une simple liste de souhaits.
  • L’architecture fiscale de vos comptes (CELI, REER, non-enregistré) est un levier de performance aussi crucial que votre répartition d’actifs.
  • La discipline automatisée via le rééquilibrage systématique bat la prédiction de marché et l’émotivité sur le long terme.

Comment gérer une fortune personnelle de 10 M$CAD+ avec les méthodes des fonds de pension ?

La gestion d’un patrimoine substantiel, dépassant les 10 millions de dollars, ne requiert pas des stratégies radicalement différentes, mais une application infiniment plus rigoureuse des principes fondamentaux. L’approche à adopter est celle des grands investisseurs institutionnels comme les fonds de pension : une focalisation absolue sur la gouvernance, la politique de placement et la gestion des risques, plutôt que sur la sélection de titres individuels.

L’IPS devient alors le document central de gouvernance, la constitution de votre fortune. Pour un portefeuille de cette taille, l’IPS doit détailler de manière granulaire non seulement la répartition d’actifs stratégique, mais aussi les fourchettes de déviation tactiques autorisées, la politique de gestion des liquidités, et l’intégration d’actifs alternatifs (immobilier, capital-investissement, infrastructures). L’objectif n’est pas de battre le marché chaque trimestre, mais d’atteindre le rendement requis pour accomplir les objectifs à long terme (croissance, préservation, transfert intergénérationnel) avec le niveau de risque le plus faible possible.

Cette approche macro-économique, ou « top-down », s’appuie sur une compréhension globale des cycles économiques. La complexité de l’environnement, comme le notait la Banque du Canada dans un rapport, exige une vision d’ensemble. Les fonds de pension ne réagissent pas aux nouvelles du jour ; ils positionnent leurs portefeuilles pour des tendances de fond sur plusieurs années. L’accessibilité de cette approche a été démocratisée. Il n’est plus nécessaire d’acheter des centaines de titres pour obtenir une diversification de niveau institutionnel. En effet, depuis leur introduction, les FNB tout-inclus ont attiré 4,5 milliards de dollars d’actifs au Canada, prouvant que des portefeuilles diversifiés mondialement peuvent être construits avec quelques instruments simples et peu coûteux.

Gérer 10 M$+ n’est donc pas une question d’outils plus complexes, mais d’une discipline plus stricte. Cela signifie faire confiance à sa politique de placement, déléguer l’exécution si nécessaire (à des gestionnaires qui suivent l’IPS à la lettre) et passer son temps non pas à suivre les marchés, mais à revoir et valider la pertinence de la politique elle-même face à l’évolution des objectifs de vie et de l’environnement macro-économique à long terme.

L’étape suivante, et la plus importante, est de formaliser ces principes dans votre propre Politique de Placement Personnelle. C’est le document fondateur qui traduira votre vision en une discipline financière durable et performante pour les décennies à venir.

Rédigé par Isabelle Gagnon, Planificatrice financière (Pl. Fin) et Comptable professionnelle agréée (CPA), Isabelle se consacre depuis 15 ans à la gestion de patrimoine pour les familles fortunées et les entrepreneurs du Québec. Elle excelle dans l'optimisation fiscale et la structuration d'actifs complexes.